Floralis
J’ai donc rejoins Floralis en tant que salarié. Il s’agit d’une filiale de l’Université Grenoble Alpes (UGA), dont le but est de valoriser les innovations issues des travaux de recherche de laboratoire locaux.
Dans ce cadre, elle héberge l’Institut Carnot LSI (logiciel et systèmes intelligents). Il s’agit d’un dispositif national pour financer le transfert technologique du domaine public au privé. Il y a plusieurs moyens de le faire, soit par la création d’une startup (essaimage), soit par le transfert d’une innovation chez un industriel. Dans les deux cas, l’université y gagne. Elles créaient des partenariats avec leurs chercheurs et financièrement, l’université gagne de l’argent grâce à la propriété intellectuelle des recherches.
Yeastlab
J’ai été embauché pour renforcer l’équipe d’ingénieur de la plateforme Yeastlab. Il s’agissait d’une plateforme financée par l’institut Carnot LSI. Son objectif était de combler un manque pour le transfert de certaines innovations, la maturation technologique. Il faut comprendre que les universités n’ont pas pour but de construire des produits. Leur objectif, c’est la recherche et la publication des résultats. Il arrive assez souvent qu’un sujet intéresse des industriel ou même des personnes ayant participé au projet pour aller plus loin dans la concrétisation de l’innovation. Cependant, le fossé entre la recherche et l’industrialisation est grand et assez flou pour qui ne maîtrise pas la technologie.
C’est là que la plateforme Yeastlab intervient. Son but, faire le lien entre les deux mondes. Pour réduire ce fossé, l’équipe de Yeastlab collaborait, en amont, avec le laboratoire afin de s’approprier la technologie. Puis l’équipe amenait l’amenait à un niveau de maturation en terme industriel pour favoriser un transfert technologique. Voici la liste des niveaux de maturation pour vous donner une idée de ce qu’est la maturation technologique: Technology readiness level. Voici une vidéo de présentation du lab.
L’équipe était top. Une moyenne d’âge assez basse, moins de 30 ans et toute la bonne volonté du monde. Nous étions 4 devs, un chargé d’affaires et une chargée de communication. Les projets étaient gérés en binôme, avec à chaque fois un leader et reviewer. Le rôle du leader était de mener le projet et le reporting. Il était le référent pour toutes les questions concernant le projet. C’est lui aussi qui était responsable des résultats à présenter au conseil en fin d’année. Le reviewer était là pour aider sur la partie technique, il permettait aussi d’avoir un partage des connaissances sur le projet. On évitait ainsi la dépendance à une personne unique.
Je m’entendais bien avec tout le monde. J’apportais des connaissances techniques qui n’étaient pas dans l’équipe, par exemple en réseau. J’ai d’ailleurs monter le réseau de la plateforme, on avait une connexion ADSL pas terrible et on saturait assez vite la bande passante. J’avais mis au point un mécanisme nous permettant de basculer sur une connexion 4G en cas de saturation tout assurant que certains flux ne passent que part l’ADSL pour une question d’IP. J’avais également mis en place plusieurs réseaux virtuels pour nos serveurs. C’était essentiellement pour des raisons de sécurité et parce que nous avions besoin d’être intégré dans le réseau de Floralis tout en étant isolé de ce dernier.
C’était pour moi une évolution, tant en responsabilité que sur le plan technique. Je devais gérer mes projets, je développais des prototypes industriels à partir de travaux de recherche et j’étais responsable du réseau de la plateforme. Tout ça, en obtenant un CDI et un meilleur salaire (je suis monté à 42K€) après deux ans et demi de CDD.
Les projets
J’ai travaillé sur plein de projets là-bas, mais certains m’ont vraiment marqués pour la contribution que j’ai pu y apporter.
Mon premier projet était AppsGate. Et oui le projet sur lequel j’avais travaillé pour l’INRIA. Ils ont fini par nous confier des évolutions techniques pour inclure le projet dans une expérimentation en environnement réelle.
Le deuxième projet marquant est un projet concernant un algorithme de simulation de modèle mathématique. C’est le laboratoire Verimag qui proposait un moyen de faire des simulations sur des modèles complexes a plusieurs variables en exécutant les calculs en même temps. Le résultat était surprenant, il était possible, avec ce modèle, de réaliser en quelques secondes/minutes des simulations qui pouvaient prendre des heures voir des jours avant.
L’objectif de ce projet était de réaliser une application de bureau permettant de visualiser les calculs en cours et les résultats de la simulation. Toujours en Java, mon langage de prédilection à l’époque, j’avais réalisé une application de bureau permettant de piloter les simulations et de charger les résultats pour afficher un graphique du résultat. On obtenait une trace de la simulation avec la possibilité de zoomer directement via le graphique, de choisir d’afficher on non certaines variables et de capturer les changements.
Cette application devait servir à démontrer l’utilité de l’algorithme afin de convaincre de futurs partenaires industriels.
Mon dernier projet chez Yeastlab est de loin le plus intéressant. Il s’agissait d’industrialiser une bibliothèque Java qui permettait de faire de la planification automatique. La planification automatique est une branche de l’intelligence artificielle. Elle permet à une machine de réaliser une tâche en autonomie dans un environnement connue. Ici, la bibliothèque devait servir de base à une startup dans le but était de fournir des outils pour la mise en place de la planification sur site.
Ma mission ici était de reprendre le code existant, de le monter à la version 8 de Java. De mettre en place un dépôt Git et un site web présentant la librairie. J’ai également ajouté toute une batterie de tests pour la libraire ainsi que des tests end-to-end complet. J’ai ajouté une API REST s’appuyant sur la librairie permettant de lancer des planification en mode SaaS. J’avais réalisé un site de démonstration permettant d’obtenir le résultat d’une planification directement en ligne. Le serveur permettait de réaliser des calculs d’une durée max de 24h.
C’était vraiment intéressant comme projet. J’ai pu voir des robots industriels pilotés et programmés grâce à ces modèles et j’ai découvert un pan de l’intelligence artificielle.
Et oui je me suis retrouver sur pas mal de projet avec des maths.
Technique
Du point de vue technique, j’ai énormément appris ici. Le fait de passer des prototypes de recherche à une phase supérieur du processus d’industrialisation m’a poussé à mettre en place de nouvelles pratiques. C’est ici que j’ai commencé à découvrir le TDD et de meilleurs pratiques de code. Premièrement, parce que j’avais un peu plus de temps pour me former. Deuxièmement, parce que les industriels demandaient des comptes et qu’on avait un budget fixe. On ne pouvait pas faire n’importe quoi et les bonnes pratiques permettent d’avoir un bon niveau de garantie concernant ce qu’on produit.
J’ai eu la chance de toucher à plein de technologies différentes, Java/Spring, C# avec .Net, du python, du NoSQL. J’ai fait du web du client lourd et du réseau. C’était vraiment riche.
Le côté obscure
On pourrait croire que le monde de la recherche est extraordinaire et que tout se passe bien dans le meilleur des mondes. Mais la réalité est très différente. C’est un monde extrêmement politisé où tout se fait grâce aux relations. Autrement dit, si vous avez un projet génial qui change le monde, mais pas les bons copains, vous n’aurez pas un euro pour vous développer. À l’inverse, bien que votre projet soit peu intéressant, si vous avez les bonnes relations, il peut il y avoir tout un mise en place de bullshit extraordinaire pour vous obtenir des fonds.
Et c’est là que ça commence à piquer un peu. Quand on arrive dans cet univers en étant un peu naïf, du genre à croire que c’est le mérite ou la compétence qui paye, et bien, on est vite déçu.
Le plus gros coup dur était de voir des projets super rejeté alors que le projet complétement nul (avis personnel) du copain passait tranquillement à coup de magouille, même s’il ne correspondait pas aux critères d’éligibilités.
Il faut ajouter à ça l’immobilisme du domaine public. Bien que Floralis soit privée, Yeastlab était financé par l’institut Carnot LSI qui est un système de financement du ministère de la recherche. Mais cet institut n’est pas une structure juridique donc elle ne peut pas utiliser l’argent directement. C’est donc l’association Floralis – LSI qui a donné naissance à Yeastlab. Il y avait clairement un gros problème de gestion de la plateforme partagée entre ces deux entités. Elles avaient les mêmes ambitions, mais pas la même vision et nous étions très souvent pris entre deux feux.
Le début de la fin
Tout cela a fini par lasser tour-à-tour les membres de l’équipe, à commencer par le responsable de la plateforme. Juste avant que je ne parte à mon tour, nous n’étions plus que deux dans un gros bâtiment. C’était d’une tristesse sans nom.
C’est aussi à cette période qu’avec ma copine, on avait le projet du monter notre boite. Je souhaitais partir, mais avoir un boulot, c’était confortable pour nous permettre de bosser sur le projet.
Je vous en dis plus dans un prochain article.